Conseils Municipaux depuis 1995

Fiche Conseil
 
Séance : 16/12/2005
Libelle : Construction d'un médiathèque. Site d'implantation. Adoption
Document : 15.- M. le MAIRE.- Vous avez observé que le projet de délibération qui vous a été transmis comportait un blanc, puisque le conseil municipal se prononcera, je n'ose pas dire, dans quelques minutes, mais au terme du débat que nous allons avoir. Je voudrais simplement, pour la bonne organisation de celui-ci, vous proposer la méthode suivante.
D'abord je vais donner la parole à Catherine MORIN-DESAILLY qui a suivi ce dossier depuis l'origine, pour qu'elle cadre le sujet, en redonnant les paramètres essentiels ; ce sera le rapport introductif.
Puis, nous aurons un débat. Je souhaite qu'il soit le plus fourni possible. Il y a deux logiques différentes entre lesquelles nous allons être amenés à trancher. Il y a deux sites, mais au-delà il y a deux logiques différentes, sur le plan de l'urbanisme comme sur le plan politique — je n'hésite pas à le dire aussi —.
Nous aurons ce débat et, à son terme, je vous consulterai bien entendu sur les modalités du vote, car il est très important que l'on puisse voter selon des modalités qui seront définies à l'avance de manière claire, pour que chacun sache de quoi il s'agit, dans le cadre d'une décision qui est beaucoup plus importante que celles que nous prenons habituellement. Ce n'est pas un dossier de gestion banal, c'est un dossier important qui engage l'avenir, probablement pour des dizaines d'années. Il est donc très important qu'au terme de ce débat, que je souhaite fourni, mais en même temps respectueux de toutes les opinions, nous puissions définir ensemble les modalités du vote.
Est-ce que cette méthode vous paraît convenable ? Puisque vous en êtes d'accord, je vais donc donner la parole tout de suite à Catherine MORIN-DESAILLY pour qu'elle cadre, par une présentation d'environ un quart d'heure, les éléments essentiels de ce dossier.

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, Adjointe.- Ce projet de construction d'une grande médiathèque est un des projets prioritaires de la Ville de ROUEN. Vous avez été tous destinataires d'un dossier qui accompagne le projet de délibération, dans la perspective d'un débat constructif.
Avant de vous rappeler au moyen d'un support visuel ce qu'est le projet de grande médiathèque, dont on parle beaucoup en définitive, en oubliant parfois quelle sera sa dimension, quelle sera l'ampleur de ses collections, mais aussi le caractère complètement novateur et l'offre culturelle très enrichie qui en découlera, je vais juste faire quelques commentaires sur la constitution du dossier que vous avez reçu. Ce dossier se trouve d'ailleurs organisé en deux parties.
En préambule de la première partie, vous trouvez le contexte et l'historique de ce dossier. Sont mis en exergue — c'est important de s'en souvenir — l'immense retard accumulé par la Ville en matière de lecture publique depuis des décennies, mais également, finalement, le temps qu'il aura fallu et qu'il faudra peut-être encore pour que ce projet se réalise. Songez que depuis 1992, date à laquelle la municipalité s'est portée candidate au programme «Bibliothèque Municipale à Vocation Régionale » (B.M.V.R.), il s'est déjà écoulé quatorze ans.
Bien qu'adopté en 2002, ce projet de construction d'une médiathèque, après comparaison de plusieurs sites, a fait l'objet d'un débat entre les différentes collectivités potentiellement partenaires de ce projet. Notre maire, Pierre ALBERTINI, a donc accepté le principe d'une expertise de la part de la Direction du Livre et de la Lecture du ministère de la Culture et le rapport qui a été réalisé par l'inspection générale des Bibliothèques, qui nous a été remis en mai dernier, a préconisé une concertation entre les collectivités concernées, sous l'égide du préfet.
Le préfet a réuni dans un premier temps les élus desdites collectivités et une étude comparative de deux sites (Grammont et celui de l'ancienne Ecole Normale de garçons, boulevard de l'Europe, proposé par la Région et le Département) a été mise en oeuvre. Elle a donné lieu à trois réunions techniques qui ont regroupé des représentants de chaque collectivité — pas des élus, mais les experts des collectivités —, réunions bien sûr animées par la Direction Régionale des Affaires Culturelles, entre juin et novembre de cette année, pour procéder à cette analyse comparative qui fait l'objet notamment du premier document.
Vous trouverez dans ce document le nom des personnes qui ont participé à ce groupe de travail et les tableaux de synthèse résultant de l'étude. Je tiens à préciser que ces tableaux recensent des données objectives ; je ne vais pas les rappeler car vous les avez sous les yeux. Ces données objectives ont été validées par tous les participants.
L'analyse a conduit à l'appréciation suivante :
- il existe une relative équivalence des deux sites, qui se fonde sur plusieurs points : la surface, la constructibilité, l'extension possible, la connexion au réseau ;
- globalement, il y a une meilleure desserte actuellement en transports collectifs pour le site de l'ancien collège Jean Lecanuet, mais il y a équivalence que l'on se rende sur le site Lecanuet ou à Grammont en voiture, en vélo ou à pied ;
- il y a présence de certains risques tels que des découvertes archéologiques sur le site Lecanuet, qui ne sont pas à écarter.La conclusion que vous pouvez trouver dans le deuxième document, c'est qu'il y a des avantages et des inconvénients aux deux sites. En revanche, trois données peuvent apparaître plus discriminantes.
C'est d'abord l'aménagement du territoire et la valorisation du quartier. L'implantation à Grammont, qui était le projet de notre équipe municipale, correspondait pour nous à l'idée d'un rééquilibrage des deux rives, à une idée de désenclavement territorial, social et culturel d'un quartier et de valorisation de ce quartier, l'objectif de cette médiathèque étant d'être un élément capital et structurant du développement futur de ROUEN qui peut passer par l'Est de la Ville.
Le deuxième élément discriminant qui peut être retenu est le coût supplémentaire de l'implantation sur le site Lecanuet, qui est estimé à un minimum de 5.000.000 € et peut atteindre jusqu'à 8.000.000 € si l'on considère la nécessité de démolir et de reconstruire un gymnase.
Le troisième élément discriminant est le délai d'au moins trois années supplémentaires pour réaliser la médiathèque sur le site Lecanuet.
Voilà les éléments de fond que vous trouvez dans ces dossiers, auxquels s'ajoutent les résultats d'une petite enquête qui a été réalisée sur environ 150 personnes fréquentant le parc Grammont, afin de mesurer la provenance géographique de ces visiteurs et d'avoir aussi quelques réponses en termes de mode d'accessibilité au parc.
Je voudrais que l'on regarde le document qui se trouve présenté ici. Je vais le commenter. Cela a pour but de vous rappeler d'où l'on part et où l'on veut aller.
On part d'une bibliothèque principale qui est complètement inadaptée, située dans un bâtiment hors normes et où le taux de fréquentation des Rouennais est de 1 %.
Cette bibliothèque principale est complètement inadaptée. L'offre documentaire est limitée : je vous rappelle qu'il n'y a pas d'autres documents que des livres ou périodiques, pas de documents en libre accès et que des documents de certains domaines sont complètement absents, que ce soit le domaine de la jeunesse, le domaine technique ou le domaine des loisirs. L'impact est donc réduit. On a enregistré une baisse de 45 % des prêts sur cinq ans entre 1998 et 2003 et une baisse de 25 % des consultations sur la même période. L'analyse s'arrête volontairement à 2003, puisque c'est la date à laquelle on a réduit le nombre de places et les possibilités de consultation des collections contemporaines à la bibliothèque Villon.
L'informatisation était complètement obsolète et balbutiante : un système informatique vieux de dix ans, un réseau complètement inadapté et surtout non intégré dans le réseau de la Ville jusqu'à cette année.
Il faut ajouter à cette bibliothèque principale cinq bibliothèques de quartier, qui ont bien sûr chacune leur rôle et qui le jouent très bien, mais qui ne compensent en rien l'absence de tête de réseau. Il y a environ 10.840 inscrits et 494.000 prêts environ ont été effectués en 2004.
Nous avons mis en place un programme de montée en puissance de cette médiathèque, qui concerne aussi l'ensemble des réseaux et se déclinent en trois points que je voudrais rappeler.
- Programme informatique de très grande envergure. Cela s'est traduit cette année par la mise en place d'un nouveau système de gestion de toutes les collections. Cela s'est traduit également très récemment par l'ouverture d'un portail web très novateur, qui est un outil de dialogue, d'accès aux collections, aux images, aux outils de la médiation et aux services de toutes nos bibliothèques. Enfin, cela s'est traduit par un développement numérique, grâce notamment à l'acquisition d'une plate-forme de numérisation, et par un programme de valorisation du patrimoine.
J'ajouterai que la Communauté d'Agglomération est particulièrement intéressée par le travail que nous effectuons, puisqu'elle a elle-même commandé une étude de mise en réseau informatique des bibliothèques de l'agglomération qui passeront par la future tête de réseau.
- Deuxième action volontariste en faveur de la politique du livre et de la lecture, c'est la médiation culturelle. Nous avons intensifié cette médiation en recrutant des personnels, en développant des partenariats.
Je vous rappelle que la bibliothèque est désormais intégrée dans le Collectif des Hauts de ROUEN, elle mène un partenariat avec le Groupement d'Intérêt Public du Grand Projet de Ville, elle travaille avec les équipements culturels, que ce soit les équipements de la petite enfance, les équipements scolaires, sociaux et l'ensemble des directions municipales, mais aussi les maisons de retraite, les centres de loisirs.
Un programme culturel, qui se traduit par une brochure, « Grain de sel », publié tous les trimestres, développe des actions multiples à travers l'ensemble de la ville.
- Enfin, une recherche de publics diversifiés s'est mise en place. Elle s'exerce de façon très multiple par des animations, des expositions, des ateliers d'écriture pour les enfants, les tout-petits, mais également pour les publics d'adolescents.
Le plan pluriannuel d'acquisition de documents et de conditionnement des documents patrimoniaux est très important. Je vous rappelle deux chiffres : la Ville a réalisé lors de ces trois dernières années un plan d'acquisition de documents qui s'est élevé à 260.798E ainsi qu'un plan pluriannuel de conditionnement des documents patrimoniaux qui s'est élevé à 74.107 E, ceci depuis 2002.
La médiathèque, en quelques mots, c'est un outil que nous attendons, un outil ambitieux et d'envergure. Elle correspond à des services attendus dans toutes les médiathèques de grande dimension. Il s'agit en premier lieu d'une offre documentaire encyclopédique et diversifiée sur des supports multiples, pour tous les publics, de tous les âges, de tous les niveaux, y compris les publics handicapés ou empêchés. C'est également une médiation adaptée par un personnel formé et présent qui va faciliter l'accès aux informations, aux nouvelles technologies de l'information, qui va favoriser aussi l'insertion sociale de publics en difficulté par la mise à disposition d'outils adaptés et innovants.
En termes de service attendu dans toutes les médiathèques de grande dimension, c'est aussi la mise à disposition d'outils d'auto-apprentissage qui vont être accessibles à des publics de différents niveaux. C'est également une offre culturelle qui s'inscrit dans le cadre de la politique culturelle de la Ville, en réseau avec tous les établissements, et l'offre de lieux de sociabilité. Ce sera un lieu vivant, un forum dans la cité.
Ce sera également une bonne conservation et de bonnes conditions de consultation du patrimoine, la mise à disposition de documents d'actualité, revues, périodiques et la gestion du dépôt légal imprimeur en région. Vous savez que nous avons une convention avec la Bibliothèque Nationale de France et que nous sommes tenus de conserver deux exemplaires de chaque document qui parait dans notre région.
Les points forts, compte tenu de l'importance de notre fonds sont multiples. C'est la mise en valeur de ce patrimoine exceptionnel et cette fois en direction d'un très large public, ce qui n'était pas du tout le cas aujourd'hui.
C'est la constitution de pôles documentaires de référence que l'on ne trouvera nulle part ailleurs à ce point dans les équipements déjà existants de l'agglomération. Donc, un pôle très fort « image et son », un pâle « spectacle » et un pôle « langues étrangères » qui pourra concerner les langues parlées dans l'agglomération.
Autre point fort, un centre de ressource « littérature de jeunesse et lutte contre l'illettrisme », avec des partenariats et des prêts possibles de documents à des associations, ainsi que de lieux d'accueil pour la petite enfance.
Cette médiathèque sera un bâtiment de 7.600 m2 utiles, 170.000 documents sur tous supports en libre accès, 600 places assises, dont 125 seront des places équipées de l'outil multimédia, 40 places d'étude pour l'écoute et le visionnement, et en plus de ces 600 places, 38 postes seront dédiés à la consultation du catalogue. Un ruban scénographié sera le lien actif au coeur de la médiathèque entre les fonds patrimoniaux et les fonds contemporains. On trouvera enfin un auditorium, une salle d'exposition, un espace multimédia, des salles d'accueil de groupes et d'atelier de création, une cafétéria, tout cela avec des horaires adaptés à la fréquentation familiale et intergénérationnelle.
Les objectifs de la médiathèque sont — ce sera ma conclusion — d'enfin doter la ville, l'agglomération et la région d'un équipement structurant de lecture publique, de combler un retard de plusieurs décennies et un déficit chronique dans l'offre documentaire globale, de toucher des publics considérablement élargis, de tous âges, de toutes catégories, et de proposer des services nouveaux et adaptés aux usages et à l'attente des habitants.
Je voudrais terminer en vous disant que l'objectif de fréquentation, si l'on s'en réfère à toutes les expériences qui ont été menées dans des villes de dimension comparable, se situe dans une fourchette de 26.250 à 37.500 inscrits, et, en nombre de documents, la fourchette pourra aller de 656.000 prêts à 937.000 prêts. Ces chiffres sont à mettre en regard de ce que je vous ai dit en préambule ; ils signifient que l'on pourrait multiplier par trois à cinq la fréquentation actuelle.
Je crois que la nécessité, l'urgence et l'ambition de la médiathèque ne sont plus à démontrer. Je conclus en disant que, dans un sondage TNS/SOFRES qui a été effectué auprès de 700 Rouennais en mai 2004, 53 % d'entre eux ont jugé l'équipement très utile, 35 % assez utile, seuls 8 % le jugeant peu utile et 3 % pas utile du tout.

M. le MAIRE.- Merci pour cette présentation qui avait pour objectif de recadrer le sujet et de nous remettre en perspective les éléments de ce dossier important.
Je vais passer au débat. J'ai enregistré plusieurs demandes de parole.

M. Yvon ROBERT.- Une nouvelle fois, nous allons parler de la médiathèque centrale de ROUEN au conseil municipal. Je crains que ce ne soit pas la dernière.
Ce soir, vous nous proposez une délibération exclusivement consacrée à l'implantation de cette médiathèque. En effet, vous savez parfaitement que nous sommes favorables à sa réalisation.
Nous sommes totalement conscients des graves insuffisances de la bibliothèque actuelle. Je ne reviendrai pas, je l'ai déjà expliqué, sur les raisons pour lesquelles nous avions profondément regretté, pendant le précédent mandat, d'être obligés d'interrompre le travail lancé en 1995. Je rappellerai simplement qu'à l'époque il y avait de graves difficultés financières et un nombre considérable de projets qui n'étaient pas financés, puisque déjà en 1995 une étude était lancée sur la salle Sainte-Croix des Pelletiers, une autre sur le théâtre Duchamp-Villon, ainsi que l'étude de la médiathèque. Malheureusement, il n'était pas possible de financer tout cela.
Depuis le début de votre mandat, cet accord est total. Sur le principe, vous avez l'accord de l'Etat, de la Région, du Département et de l'Agglomération. A part l'Etat qui ne vous a toujours pas dit quel serait le montant financier de sa participation, vous savez que les autres collectivités vous aideront dans des proportions que, pour ma part, je n'ai jamais connues, lorsque, étant maire, je sollicitais la Région et le Département, dirigés alors par vos amis, sur d'autres projets. Je crois qu'il est important de rappeler cela, pour qu'il n'y ait aucun malentendu avec qui que ce soit.
Notre désaccord porte uniquement sur la localisation de cet équipement. Je me permettrai, compte tenu de l'importance que vous avez accordée au débat de ce soir, de reprendre l'ensemble de la question.
Vous avez décidé pendant la campagne électorale des élections de 2001 que cet équipement devait être construit dans le quartier Grammont. C'est noir sur blanc dans le document intitulé « 40 projets », que, bien entendu, vous n'avez pas élaborés avec les habitants. Vous n'avez organisé aucun débat sur ce sujet, vous avez sorti assez tôt dans votre campagne cette plaquette, et la décision de construire à cet endroit y figure en toutes lettres.
Depuis quatre ans, vous refusez tout véritable débat sur ce sujet, vous refusez d'entendre des arguments différents des vôtres.
Pour notre part, depuis quatre ans, nous sommes soucieux de trouver un compromis et nous avons cherché patiemment à trouver une issue que vous pourriez accepter.
Jamais nous n'avons cherché à mettre en avant le site auquel nous avions pensé avant les élections de 2001. Je le dis, parce que je continue à penser que ce site avait aussi des qualités. Il était sur l'avenue du
Mont-Riboudet, devant une station du transport en commun en site propre T.E.O.R. (Transport Est-Ouest de ROUEN), très proche de la station Théâtre des Arts du métro.
Cet espace est en effet sur l'axe de transport qui dessert le maximum d'habitants. Il est en liaison directe avec la faculté des lettres, la faculté des sciences du sport et de l'éducation physique, la faculté de médecine, l'ensemble des écoles paramédicales. Grâce à la facilité de la correspondance avec le métro, il est en liaison rapide avec la faculté des sciences et les écoles d'ingénieurs de SAINT-ETIENNE DU ROUVRAY.
Ce lieu est proche des quais de la Seine, devenus aujourd'hui la promenade préférée des Rouennais, depuis que nous avons largement commencé leur rénovation.
Ce site est à l'entrée d'un quartier en pleine rénovation urbaine depuis que, ensemble, vous et moi, dans le cadre de la responsabilité que nous avons eue en commun, pendant cinq ans, d'élaborer le Schéma Directeur de l'Agglomération ROUEN-ELBEUF, nous avons décidé de faire des quartiers Ouest de ROUEN le lieu central du développement de toute l'agglomération ROUEN ELBEUF.
Dans les documents de ce schéma directeur, nous avions indiqué qu'il était important, pour donner un élan à ce lieu, d'y mettre des équipements tels qu'un équipement culturel de cette nature.
Je continue à penser que c'était une bonne localisation. Vous n'en avez pas voulu, c'était votre droit, je ne vous ai jamais contesté ce droit.
Par contre, depuis quatre ans, nous considérons que la localisation à Grammont est une erreur.
Nous l'avons dit, nous l'avons répété. Je vais y revenir.
Et parce que nous pensons qu'un tel équipement doit obligatoirement être le résultat d'un consensus, nous vous avons proposé d'examiner ensemble tous les sites possibles. Vous n'avez jamais accepté de travailler ainsi. En 2002, vous avez présenté un tableau d'une page particulièrement sommaire dont vous nous reparlez dans la délibération de ce soir, mais depuis vous n'avez jamais accepté de réfléchir à d'autres sites, alors qu'il y en avait d'autres. Nous les avons donc étudiés à votre place en 2003. Notre travail a été apprécié par beaucoup ; vous ne vous y êtes jamais intéressé.
Au lieu de travailler avec nous sur les différents sites, vous avez préféré ironiser dans un conseil municipal sur le fait que nous ne savions pas ce que nous voulions. Pour notre part, nous ne voulions rien vous imposer, ni à qui que ce soit ; mais vous n'avez su que vous moquer.
Devant vos refus, nous avons donc fait une proposition nouvelle que nous n'avions pas envisagée en 2000 ou 2001. Et nous avons délibérément choisi un site allant dans votre sens, parce que nous avons toujours voulu un vote unanime sur ce sujet. C'est le lieu situé à proximité de l'ancienne Ecole Normale d'Instituteurs, sur la rive gauche, sur le boulevard de l'Europe, comme vous le souhaitiez, puisque vous souhaitiez que ce soit sur cet axe. Nous l'avons fait, je le répète et j'insiste, dans un souci de conciliation. En effet, nous espérions qu'à l'issue d'un véritable débat au sein du conseil municipal comme avec les Rouennais, après avoir examiné trois, quatre, cinq sites possibles, on puisse aboutir à un site qui ne soit ni celui auquel avaient pensé les uns, ni celui que vous aviez sorti dans un programme électoral, mais un site véritablement issu d'un large travail fait avec les uns et les autres.
Lorsque j'ai évoqué ce site, les membres de votre équipe et non des moindres m'ont dit alors leur espoir que ce soit en effet le lieu d'un compromis.
Les débats ont continué, vous êtes resté opposé. La situation a évolué lorsqu'en conseil municipal, l'an dernier, à la même époque ou un peu avant, vous avez annoncé que vous aviez demandé l'arbitrage d'un tiers. En l'occurrence, vous nous avez annoncé que, sur votre suggestion, le ministre de la Culture avait accepté de confier une mission d'expertise à l'Inspection Générale des Bibliothèques.
Je me souviens fort bien que, ce soir-là, je venais de faire une intervention, sur le ton passionné que je peux avoir lorsqu'il s'agit de la médiathèque, tellement je considère qu'il s'agit d'un sujet important.
Donc, à l'issue de cette évocation que je faisais, vous nous aviez, je le dis très franchement, car je ne suis pas le seul, surpris en faisant cette proposition.
Je me souviens parfaitement que j'avais ici immédiatement dit que c'était, à mon sens, une initiative positive. Les uns et les autres savent que j'ai dirigé l'Inspection Générale de l'Administration de l'Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche et que je connais, comme vous, les qualités de mes collègues d'autres inspections générales.
J'étais très heureux, et je l'ai dit aussi ici ce soir-là, que, pour la première fois, vous sortiez de votre refus de l'avis des autres.
Le 16 février 2005, vous avez dit à la mission d'inspection que vous attendiez un arbitrage de sa part. Le rapport le dit expressément, en y insistant, et le rapporteur précise qu'il a été frappé par l'ouverture de votre esprit lors de son entretien avec vous. Je tiens à souligner que la mission était composée de deux inspecteurs généraux et que le chef de l'Inspection Générale des Bibliothèques avait tenu à l'assurer lui-même, compte tenu de l'importance qu'il accordait à cette mission. Ce fut d'ailleurs sa dernière mission, puisqu'il a pris sa retraite depuis.
Je dois à la vérité de dire que, malheureusement, deux semaines avant cette visite du 7 février, vous aviez pris une initiative contraire à l'arbitrage que vous aviez vous-même demandé, puisque, fin janvier,vous avez soumis au conseil municipal une délibération vous autorisant à signer le marché de maîtrise d'oeuvre avec l'architecte RICCIOTTI. Au lieu de rester dans l'état d'esprit ouvert du mois de novembre, vous reveniez à vos refus antérieurs.
Les 16 et 17 février 2005, les deux inspecteurs généraux ont rencontré tous les interlocuteurs concernés. Et ils se sont mis immédiatement à la rédaction de leur rapport.
Leur rapport a été remis au ministre dès les premiers jours de mars. Comme le ministre de la Culture venait au HAVRE le 11 mars, vous l'avez sollicité pour qu'il vienne à ROUEN et vous lui avez demandé de venir sur le site de Grammont. Connaissant bien les conclusions du rapport, il a refusé. Nous connaissions aussi les conclusions du rapport dès le début mars, mais nous avons choisi de ne faire aucun commentaire public. Rencontrant brièvement le ministre le 11 mars, il n'a pas cherché à nous dire que le rapport était positif. Nous avons simplement mesuré son embarras.
Nous avons espéré que vous alliez prendre rapidement l'initiative d'une proposition pour sortir de ce blocage. Mais nous nous sommes aperçus que rien ne venait. Bien plus, votre adjointe à la culture a osé écrire aux personnels de la bibliothèque, le 15 avril, qu'elle ne connaissait pas le rapport, alors même que vous l'aviez déjà reçu, comme nous l'apprendrons quelques jours plus tard. Il vous faudra d'ailleurs un mois supplémentaire pour le diffuser à vos partenaires, puisque vous leur écrivez, le 11 mai, que vous avez le rapport depuis le 13 avril.
Le rapport des inspecteurs généraux est incontestablement négatif. Permettez-moi de relire quelques passages de l'analyse que j'en ai fait à sa publication.
« Certes, le chef de l'Inspection Générale de Bibliothèques est un homme courtois et policé qui remplit sa mission avec le souci professionnel d'une totale objectivité. Il cherche à comprendre pourquoi et comment le maire a eu une telle idée. A ses yeux, l'endroit choisi ne manque pas de charme. » Ce n'est d'ailleurs pas nous qui dirons le contraire, puisque c'est nous qui avons proposé aux responsables de la clinique Mathilde d'acheter le terrain municipal sur lequel elle est aujourd'hui construite. C'est encore nous qui avons proposé de réaliser un parc urbain, certes moindre en taille et certainement moindre en qualité, je le dis sans réserve, que ce que vous avez réalisé. Mais nous avions prévu d'y placer des équipements sportifs pour désenclaver le quartier. Les inspecteurs généraux cherchent donc à comprendre et sont obligés de constater et de rappeler dans leur rapport que la Direction Régionale des Affaires Culturelles avait attiré l'attention du maire sur les difficultés de son choix, dès le 7 noveme2001.
Dans un style sobre et mesuré, le rapport égrène, au fil des pages, une condamnation qui est beaucoup plus forte que vous voulez bien le dire. Par exemple : « Il faut pourtant ici prendre une position.
Dans l'optique qui est la nôtre, celle du succès maximal de la médiathèque, cette position sera réservée. »
Plus loin, les inspecteurs généraux écrivent : « Il reste que, si résolu et coûteux qu'il soit, il s'agit d'un projet urbanistique limité. Un projet qui est loin de porter la transformation de ce quartier excentré et peu peuplé en un de ces pôles qui exercent une attirance bien au-delà de leurs limites, au point de générer une fréquentation plurielle, naturelle et fréquente [...] Une fois toute les opérations prévues conduites à leur terme, le quartier sera moins isolé, il aura meilleure allure. Il n'aura pas fondamentalement changé, nous semble-t-il, ni d'échelle ni de nature. »
Plus loin : « Patente est la médiocre accessibilité du site par les transports en commun [...]. En effet, une médiathèque, équipement destiné à tous, doit dès lors être aussi aisément accessible à tous que possible. En particulier à ces jeunes qui, en âge de ne plus être accompagnés par leurs parents, ne disposent pas nécessairement d'un véhicule à quatre ni même à deux roues. »
De même, lorsque les inspecteurs généraux examinent la situation des douze autres bibliothèques municipales à vocation régionale françaises, construites dans les quinze dernières années, ils constatent que toutes ont une situation nettement plus favorable sur le plan de l'accessibilité que le projet de ROUEN. Et quand, par souci d'objectivité extrême, ils se demandent si trois d'entre elles ne se rapprocheraient pas de la situation de ROUEN, la démonstration qu'ils font est finalement tout aussi critique pour le choix du maire de ROUEN. Je ne citerai que l'exemple de la bibliothèque centrale de TOULOUSE qui est certes un peu éloignée du centre ville, mais juste à côté de la gare Matabiau et devant une station de métro Val dont vous connaissez l'efficacité.
La conclusion du rapport est finalement sans appel : « Résumons-nous », écrivent-ils.
1°) Pour que l'attrait de la future médiathèque puisse produire tous ses effets si elle est située dans le quartier Grammont-La Sablière, il est impératif d'améliorer l'accessibilité du site. Or, de nombreuses incertitudes règnent sur ce point.
2°) Supposons que le problème de l'accessibilité du site soit résolu. Selon nous - et sans dissimuler qu'il entre une part de subjectivité dans cette appréciation -, le projet urbanistique concernant le quartier ne suffira pas à faire en sorte que la fréquentation de la médiathèque bénéficie de façon marquée de son environnement. Et réciproquement.
3°) Si la nouvelle centrale était construite dans le quartier Grammont-La Sablière, compte tenu de son offre en matière de documentation et de services, elle ne manquerait pas d'attirer du public. Se la représenter et la représenter déserte est caricatural. Mais attirerait-elle autant de public et des publics aussi variés que dans un autre quartier mieux relié au reste de la ville. C'est ce dont nous doutons. »
Trois points, trois motifs de rejet, même si, jusqu'à la fin de leur rapport, ils restent courtois, modestes et soucieux de respecter ceux dont ils critiquent les choix.
Finalement, ils nous proposent de réaliser à la Sablière un nouveau centre social, car il est écrit en effet : « Entre le maintien du statu quo (un centre social de piètre apparence) et l'implantation d'une médiathèque centrale à dimension communautaire et régionale, il existe des voies intermédiaires, telles qu'un nouveau centre social développant des activités culturelles et comportant peut-être une bibliothèque. »
Nous écrivions alors, après avoir lu ce rapport : « Les conclusions s'imposent désormais à tous. Ce site étant abandonné, il y a urgence à se mettre autour de la table pour travailler enfin sur un site répondant à l'intérêt général. Il y a urgence à réaliser le centre social du quartier répondant aux véritables attentes des habitants ainsi que des équipements sportifs permettant de faire venir de nouveaux publics. »
Mais, alors que vous leur aviez dit expressément que vous attendiez leur arbitrage, ils l'avaient souligné eux-mêmes à la page 3 de leur rapport, désormais vous n'allez plus jamais parlé de leurs conclusions sur le fond.
J'ai noté attentivement tout à l'heure que Mme MORIN-DESAILLY n'a pas un seul instant évoqué les conclusions sur le fond. Vous avez fait à l'époque, et ce soir encore comme dans tous vos documents, comme si les inspecteurs généraux avaient uniquement préconisé une réunion du préfet de Région, du maire et des présidents du Conseil Régional, du Conseil Général et de la Communauté d'Agglomération, oubliant d'ailleurs au passage de dire qu'ils demandaient que cette réunion se fasse sur la base du rapport.
Comme le Département et la Région, où ils se trouvent que des élus rouennais exercent d'importantes responsabilités, sont animés du même souci de l'intérêt général, ils ont immédiatement accepté le principe de ces réunions de travail.
Ce groupe de travail a rassemblé des documents et des informations sur les deux sites en débat, puisque vous aviez, dès la première réunion de ce groupe de travail, refusé une nouvelle fois l'examen de tout autre site que les deux évoqués.
C'est ce travail qui nous a été transmis en vue de notre séance d'aujourd'hui. Nous sommes obligés de constater — je ne juge pas — que le groupe n'a pas conclu son travail ; le document commun est un constat.
Par contre, vous nous avez fourni un deuxième document, dont vous dites, même si c'est en petits caractères, qu'il est établi sous votre seule responsabilité. Permettez-moi de dire que ce document est une manière inexacte — j'utilise ce terme pour éviter d'entrer dans une quelconque polémique — de présenter les données du problème.
Vous commencez par établir un tableau avec sept critères. Sur quatre critères, vous dites qu'il y a égalité ; l'Ecole Normale a deux critères positifs spécifiques ; Grammont en a un seul.
Avec ce tableau, vous concluez à la « relative équivalence des deux sites », ce sont vos propos. Je note simplement que vous n'avez même pas repris les trois critères fondamentaux présentés dans le rapport de l'inspection générale. Vous avez ainsi noyé les critères essentiels dans une série de critères qui n'ont aucune signification.
Ce tableau n'est pas acceptable, mais, comme il a les apparences de l'objectivité, il est repris par les médias, comme ce matin dans « Paris-Normandie ».
La suite du document est tout aussi étonnante.
Vous nous expliquez que le site de l'Ecole Normale est plus coûteux que celui de Grammont, que les délais de construction seront plus longs à l'Ecole Normale et que l'aménagement du territoire est meilleur à Grammont. Et vous concluez que, dans ces conditions, à vos yeux, le site de Grammont doit l'emporter.
Cette présentation n'est décidément pas convenable et, à certains moments, même beaucoup, cela relève, me semble-t-il, de la mauvaise foi. Je vais réfuter précisément chacun de vos arguments
Je commencerai par les coûts.
Vous nous dites d'abord que le terrain est plus cher à Saint-Sever. Vous vous appuyez sur une estimation des Domaines. Par contre, vous n'avez même pas demandé d'estimation des Domaines pour Grammont.
Pourquoi cela ? Parce que vous décidez souverainement que « le foncier de la parcelle du site Grammont ne peut être valorisé en raison de sa destination exclusive à un équipement public ». Mais cette destination, c'est vous qui l'avez fixée. C'est comme si, dans un match de football, l'arbitre était le gardien de but d'une des équipes et laissait marquer certains buts pour faire gagner son équipe.
Et vous insistez avec une phrase qui mérite de passer à la postérité, je cite : « En effet, l'immédiate proximité du parc dans lequel le bâtiment est enserré interdit [...] des surfaces dédiées aux bureaux et aux logements. » Je n'avais pas vu cette phrase à la première lecture. La relisant plusieurs fois, c'est bien la première fois que je vois une ville considérer que l'on ne peut pas construire des logements et des bureaux à proximité immédiate d'un parc. N'importe quel citoyen penserait au contraire que c'est une chance unique de pouvoir construire bureaux et logements dans ce lieu. Et je suis certain qu'avec la qualité du parc, une estimation des Domaines donnerait un prix supérieur au mètre carré pour la parcelle de Grammont qui, de surcroît, notamment pour des logements, se trouve un peu éloignée du boulevard de l'Europe qui est très bruyant et très passant.
C'est votre droit absolu de vouloir un équipement public à cet endroit, mais ne nous parlez pas de comparaison objective sur la valeur des sites. Une comparaison objective eût été de mettre les deux sites dans la même situation et de regarder ce que l'un et l'autre valaient en termes de valeur marchande.
Par conséquent, comme je le disais à l'instant, l'arbitre est aussi gardien de but et ce n'est pas possible. Vous avez le droit de préférer Grammont. Nous en sommes parfaitement conscients et nous sommes parfaitement d'accord que ce soit votre choix, mais ou bien nous sommes dans un exercice de comparaison et, à ce moment-là, on fait un exercice de comparaison honnête, ou bien vous avez choisi, vous nous le dites, et ce n'est pas la peine d'en débattre.
Vous nous dites ensuite que, sur le terrain, à côté de l'Ecole Normale, il y a un gymnase. Et vous êtes venu, il y a quinze jours, pour la première fois de votre mandat, à l'assemblée générale de l'association qui utilise cet équipement. Et vous vous êtes posé en défenseur de cette association que, selon vous, nous voudrions déposséder. Sa surprise fut grande et les participants, nombreux, ont été un peu étonnés, mais n'ont guère été dupes de votre intervention.
En effet, ils se souviennent tous que vous avez refusé, en novembre 2002, que la Ville prenne à sa charge le gymnase de l'association, parce que vous saviez que l'association n'avait plus aucun droit sur le gymnase et parce que vous vouliez voir réaliser autre chose sur cet emplacement.
En réalité, les gymnases ne vous ont jamais préoccupé, pas plus d'ailleurs que les équipements sportifs. Lorsque vous étiez maire de MONT SAINT-AIGNAN, il a fallu des années de bataille pour quevous renonciez à laisser construire des immeubles sur les cours de tennis du Tennis Club des Cottes. Et à ma connaissance, vous n'avez pas prévu un seul gymnase nouveau pour la ville de ROUEN durant la totalité de votre mandat. Les sportifs ne vous intéressent pas et ils le savent tous parfaitement.
En réalité, ce gymnase ne peut pas fonctionner au-delà de trois ou quatre ans. Les responsables de l'association le savent. Ils voudraient bien, par contre, que la Ville prenne enfin en compte le fait que 400 Rouennais l'utilisent toutes les semaines et que 150 lycéens l'utilisent tous les jours.
Il n'est pas question, me semble-t-il, de considérer que la reconstruction du gymnase soit un coût supplémentaire du projet d'implantation sur le site de l'Ecole Normale. Il est tout à fait possible de construire avec l'aide du Département et de la Région, conformément aux compétences habituelles du Département et de la Région, comme on vient de le faire pour le collège Camille Claudel, comme cela avait été fait aussi sur le site Pélissier. Vous savez parfaitement qu'un beau gymnase, c'est aujourd'hui 2.000.000 E et qu'il est utilisé, d'une part, dans la journée par les scolaires, notamment les collégiens et les lycéens, et, d'autre part, par les associations. Donc, ceci ne peut pas constituer un véritable obstacle si vous souhaitiez en effet faire avancer le dossier.
Vous évoquez une troisième source de surcoût, la question d'un parking. J'avoue là que je ne comprends plus du tout. A vos yeux, il faut un parking de 60 places en surface à Grammont et un parking souterrain de 120 places à l'Ecole Normale. Selon vous, il faudrait donc 120 places là où il y a deux stations de métro à proximité immédiate, et 60 places là où il n'y a que des transports en commun peu performants. Si vous estimez que de tels arguments sont convaincants, je ne sais pas qui vous suivra. Par contre, le petit document que vous avez mis sur les tables (note de Jean DELLUS) est de ce point de vue-là particulièrement éclairant, parce que, si vous nous présentez comme quelque chose de positif le fait que l'on puisse aller à Grammont en voiture, je dois dire qu'en effet utiliser cela comme argumentaire, puisque vous nous l'avez donné — un Toulousain qui connaît peu ROUEN —, c'est assez révélateur de la vision de la ville que vous avez.
Personnellement, je suis en train de considérer, aux dires de nombreux habitants du quartier, que, grâce au parc de très grande qualité, beaucoup de monde vient à Grammont. Bientôt, on aura du mal à se garer entre la clinique, le parc et la médiathèque. C'est donc à Grammont qu'il faudrait faire un parking, parce que, sinon, la situation sera peu satisfaisante.
Par contre, vous oubliez d'évoquer le fait qu'il n'est pas impossible que le coût de la construction dans le secteur de la Sablière, en raison de la nature du sol, gorgé d'eau, soit plus élevé qu'à côté de l'ancienne Ecole Normale. Cet argument qui mettrait à mal tout votre discours, vous l'oubliez.
Venons-en au problème des délais. Vous nous dites que la médiathèque prendra trois ans de retard si on la construit sur le site de l'Ecole Normale, à cause de la reconstruction du gymnase. Mais vous n'évoquez pas une solution consistant à construire immédiatement un nouveau gymnase, à Grammont par exemple. Car il est parfaitement possible de mener en parallèle les études d'un nouveau gymnase et d'un nouveau site pour la médiathèque. La complexité de la médiathèque est telle que le gymnase sera terminé lorsque les travaux de la médiathèque pourront commencer. Ce n'est pas trois ans, mais c'est au maximum deux ans.
De surcroît, c'est vous et vous seul, M. le Maire, qui venez de perdre plus d'un an. Depuis le début mars, vous savez que l'arbitrage que vous avez vous-même sollicité est défavorable. Si vous aviez respecté ce que vous avez dit au conseil municipal de novembre 2004 en nous annonçant comme une nouvelle extrêmement importante le fait que vous demandiez une mission d'expertise et de conseil au ministère de la Culture, vous auriez dû décider dès le 1" mars le lancement de nouvelles études. Vous êtes semblable à un médecin qui, apprenant le cancer de son patient, attend plusieurs mois pour commencer le traitement et lui dit, devant l'échec du traitement, que c'est trop tard, qu'il fallait commencer il y a six mois.
Mais il est vrai que, depuis le mois de janvier, vous avez signé un marché avec l'architecte du projet, donnant ainsi la preuve que vous n'avez jamais eu vraiment la volonté de trouver un projet rassembleur et consensuel.
Vous n'avez qu'une seule idée en tête : tromper vos partenaires pour avancer. Car, introduire le thème des délais à l'issue d'une étude de comparaison que l'on accepte en commun et dire que ce critère est discriminant, c'est dire en même temps que, de toute façon, l'étude était pour la galerie.
Vous avez eu le même comportement pour les docks, quand vous avez voulu faire croire qu'il ne s'agissait pas d'un centre commercial, mais d'un centre de loisirs, quand vous avez dit en réunion publique qu'il n'y aurait pas de grande surface alimentaire.
Venons en au dernier argument, celui de l'aménagement du territoire et de la valorisation duquartier.
Vous avez eu l'audace de dire à la radio aujourd'hui qu'il fallait faire la médiathèque à Grammont à cause de la crise des banlieues. M. le Maire, répondre à la crise des banlieues, c'est d'abord écouter les habitants. Si vous écoutiez les habitants de Grammont, vous sauriez qu'ils demandent d'abord que l'on s'occupe de leur logement, qu'ils demandent d'abord une bibliothèque de quartier pour que leurs enfants fassent leurs devoirs dans des bonnes conditions, qu'ils demandent d'abord une salle de gymnastique, activité que vous n'êtes plus capable de leur assurer actuellement. Mais vous n'écoutez ni les habitants de Grammont, ni ceux des autres quartiers.
Si la crise des banlieues vous préoccupait un peu plus, vous auriez fait un peu plus sur l'ensemble des quartiers où vous avez accepté sans broncher la diminution des moyens donnés aux associations. Vous avez seulement multiplié les études et la communication.
Ne vous lancez pas non plus dans un grand discours surréaliste sur la gare Saint-Sever et le tram-train. De toute façon, ni la gare Saint-Sever, ni le tram-train, à supposer qu'ils se réalisent un jour, ne sont à la même échelle que la médiathèque de Grammont, ni en termes de temps, ni en termes d'espace. En aucun cas, ils ne permettront un transport de proximité pour les habitants de la ville, et il ne se passera rien avant 15, 20 ou 30 ans. Voyez le contournement Est, il y a 35 ans qu'il est inscrit sur les cartes et aujourd'hui on nous parle d'une réalisation achevée au mieux dans 15 ans. Vous ne pouvez donc pas à la fois faire du lyrisme sur les avantages de Grammont par rapport à la réalisation de la gare Saint-Sever et du tram-train et déplorer en même temps un délai supplémentaire de deux ans pour la réalisation de la médiathèque à l'Ecole Normale.
Vous savez d'ailleurs comme nous que les coûts de toutes ces infrastructures sont élevés. Pour faire une gare à Saint-Sever, il faut faire un tunnel sous-fluvial, investissement que les études chiffrent au minimum à 600.000.000 €.
Les finances de l'Etat sont si problématiques, vos demandes de financement si importantes et les charges supplémentaires de fonctionnement que la décentralisation fait peser sur la Région et le Département si grandes, que l'on ne voit pas comment de tels projets peuvent se réaliser à court ou moyen terme.
J'en arrive à la fin de mon raisonnement. Veuillez m'excuser d'avoir été trop long, mais c'est très solennellement que j'attire l'attention de tous les conseillers municipaux sur le choix que vous allez faire ce soir, que nous allons faire ce soir.
C'est l'investissement le plus important de ce mandat. Vous n'avez pas le droit de gaspiller l'équivalent d'une année entière d'investissement de la Ville. Nous n'avons pas le droit d'échouer. Cette médiathèque doit être une réussite. Elle doit attirer tous les habitants de la ville.
Quel que soit l'intérêt du quartier Grammont, il faut avoir le courage de dire que l'on ne peut pas mettre un équipement destiné à 100.000 habitants, voire 200.000, dans un quartier excentré de 2.000 habitants.
Les habitants de la Sablière ne doivent pas être les boucs émissaires de l'insatisfaction et de la privation des autres. Vous n'avez pas le droit d'opposer les habitants entre eux. Contrairement à ce que vous dites, il n'y a pas deux logiques quand on gouverne une ville, il n'y en a qu'une seule, celle du rassemblement de tous. Il est important incontestablement de valoriser tous les quartiers, mais il y a des équipements qui doivent être mis impérativement dans un lieu où ils puissent être utilisés facilement par tous.
Mais la réussite de la médiathèque, quand on regarde la situation de tous les équipements de cette nature qui se trouvent sur l'ensemble du territoire, passe par sa proximité avec le métro, par sa visibilité en bordure d'un boulevard tel que le boulevard de l'Europe et par sa synergie avec des équipements tels que la Cité des Métiers construite par la Région, qui seront aussi un lieu d'attraction extrêmement important.
Je pense et j'ai donné des raisons pour lesquelles, à nos yeux, il n'y a pas de véritable surcoût avec le site de I'Ecole Normale, si nous faisons des comparaisons objectives. Il y aura bien sûr un délai supplémentaire de deux ans, mais, ayant déjà perdu beaucoup de temps en ne respectant pas vous-même l'arbitrage que vous aviez demandé, vous en êtes aussi responsable.
Il est temps de cesser de jouer avec les Rouennais. N'attendons plus, il y a urgence ce soir à choisir la bonne solution.
Merci de votre attention.
 
Année : 2005
Catégorie : Culture
Page : 56
Rapporteur :
   
Débats :
   
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