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Fiche Conseil
 
Séance : 20/05/2005
Libelle : Médiathèque. Site d'implantation. Motion d'urgence
Document :
 
Année : 2005
Catégorie :
Page : 61
Rapporteur :
   
Débats : M. Yvon ROBERT.- « Nous sommes le 20 mai. Depuis le 12 avril, vous disposez d'un rapport de l'Inspection Générale des Bibliothèques sur votre projet l'implantation de la médiathèque de ROUEN. Il est urgent d'agir.
Ce rapport est négatif pour vous, du début jusqu'à la fin, même si c'est dans un style sobre et mesuré.
Les conclusions sont sans appel ; nous citerons juste la dernière phrase de la partie du rapport qui analyse le site :
"On ne saurait faire grief à la municipalité de vouloir doter ce quartier déshérité d'un équipement culturel digne de ce nom. Mais, entre le maintien du statu quo (un centre social de piètre apparence) et l'implantation d'une médiathèque municipale centrale à dimension communautaire et régionale, il existe des voies intermédiaires, telles qu'un nouveau centre social développant des activités culturelles et comportant peut-être une bibliothèque."
Quatre années viennent d'être perdues. Il y a urgence à ce que la Ville propose d'étudier un autre site avec les partenaires dont elle sollicite des financements particulièrement importants. »
Depuis le 12 avril, M. le Maire, vous avez un rapport sur la médiathèque. Il n'y a aucune délibération concernant ce sujet à l'ordre du jour de ce conseil municipal. C'est la raison pour laquelle nous avons pensé qu'il était urgent d'en parler.
Si vous acceptez que nous parlions de l'Europe où nous n'avons pas la capacité, en tant que conseil municipal, de prendre une décision qui aura une valeur définitive — nous ne sommes pas seuls sur cette question —, nous pensons que, pour la médiathèque, il a un vrai pouvoir. Et il peut l'exercer, à mon sens rapidement, car nous avons assez tardé sur le sujet.
Voilà pour l'urgence.

M. le MAIRE.- Personne ne conteste l'urgence. Y a-t-il des opinions différentes ? Non. Nous parlons donc du fond.
M. Yvon ROBERT.- Nous avons souhaité revenir aujourd'hui sur le sujet de la médiathèque, et croyez bien que nous le regrettons, mais sachez aussi que notre souci de défendre les intérêts de la ville, les attentes de ses habitants et la qualité de la gestion de l'argent public est aussi solide que votre obstination
sans limites.
Depuis 4 ans, nous soutenons sans réserve votre projet de construire une médiathèque à ROUEN.
C'est l'un des projets auxquels nous sommes le plus attachés, et vous le savez. Mais, depuis 4 ans, nous vous répétons avec constance, quasiment à chaque conseil municipal, que le site que vous avez choisi ne convient pas pour atteindre les objectifs d'une médiathèque, bibliothèque municipale à vocation régionale.
Comme le ministère de la Culture ne vous a jamais clairement soutenu dans votre obstination, il vous a suggéré, il y a 6 mois, de demander au ministre de mandater l'Inspection Générale des Bibliothèques.
C'est ce que vous avez fait.
Nous vous en avons su gré et nous vous l'avons dit immédiatement. En effet, vous nous avez fait cette annonce surprise lors du conseil municipal de décembre. Je venais d'intervenir vivement sur le sujet, comme à mon habitude, et j'ai immédiatement reconnu que c'était de votre part un effort louable.
Vous n'avez pas su saisir, à ce moment, notre souhait de dialogue, manifesté depuis le début sur ce dossier.
Au mois de janvier, sans attendre le rapport, vous avez voulu prendre une délibération pour accélérer le processus. Nous avons considéré que ce n'était pas correct, nous vous l'avons dit, mais, une fois de plus, vous n'avez rien voulu entendre.
En février, les inspecteurs généraux sont venus, ils ont remis leur rapport moins de deux semaines plus tard.
M. le MAIRE.- Non.
M. Yvon ROBERT.- Si, M. ALBERTINI !
M. le MAIRE.- C'est inexact.
M. Yvon ROBERT.- Le ministre est venu le 11 mars à ROUEN et il a refusé de se rendre sur le site choisi, car il avait lu le rapport et vous avait fait part de ses conclusions. Nous le savions bien évidemment aussi, et d'ailleurs, lorsque nous avons croisé le ministre quelques instants au HAVRE, il n'a pas cherché à nous dire que le rapport était bon. Il a admis que ce n'était pas satisfaisant et qu'il était négatif. Il nous a vaguement parlé de perdre des crédits européens ; or, aujourd'hui, la médiathèque n'est pas inscrite par l'Etat sur la liste des projets qui doivent bénéficier en priorité des crédits européens.
Nous n'avons rien dit et nous avons attendu que vous preniez l'initiative de tirer les conséquences des conclusions de ce rapport. Comme les semaines passaient, comme des retards étaient pris, alors que vous aviez le rapport, nous avons pris l'initiative, le 13 avril, de dire que vous aviez le rapport et de dire qu'il était négatif.
Vous avez osé prétendre le contraire à la radio le 15 avril et Mme MORIN-DESAILLY a osé écrire le 19 avril aux personnels de la bibliothèque que nous mentions. Or, vous venez d'écrire aux présidents de la Région et du Département que vous aviez ce rapport depuis le 12 avril. Je passerai sur le comique consistant à écrire le 3 mai que « vous transmettez aussitôt » un rapport reçu le 12 avril.
Dans les deux collectivités, ce rapport est en fait arrivé le 11 mai, juste avant une présentation dans « Paris-Normandie », peu claire, aux dires de tous ceux qui ont lu cette page. Et vous n'avez pas, par ailleurs, transmis ce rapport aux autres médias, qui ne pouvaient donc en parler.
Tous ces détails sont sans importance, allez-vous dire, sauf que ce sont des semaines qui s'ajoutent aux semaines et autant de retard pris, mois après mois, pour construire une médiathèque à ROUEN.
Qu'espérez-vous ? La construire seul à Grammont ? Vous n'en avez pas les moyens. Obtenir notre accord sur le site choisi ? Nous avons trop le sens de l'intérêt général pour y consentir.
Il est donc urgent, et c'est le sens de cette motion, que vous nous fassiez une autre proposition, afin que nous puissions travailler ensemble pour examiner d'autres sites potentiels. Nous avons dit depuis des années que nous étions ouverts à de multiples sites. Jamais nous n'avons cherché à vous imposer quoi que ce soit. Nous avons toujours demandé le débat le plus large, le plus ouvert, le plus public possible. Vous l'avez toujours refusé. Aujourd'hui, même si ce débat est, en soi, toujours nécessaire et utile, nous sommes prêts à admettre qu'il est difficile de retarder encore et nous sommes prêts à travailler tout de suite avec vous pour chercher un autre site.
Voilà pour la forme.
Au-delà, il y a le fond de ce rapport.
Ce rapport a été commandé pour étudier la localisation de la médiathèque, mais vous ne parlez pas de ses conclusions sur le sujet. Vous vous réjouissez que le chef de l'Inspection Générale des Bibliothèques reconnaisse la qualité de votre projet d'ensemble, mais nous n'avons jamais dit le contraire et ce n'était pas la commande du rapport.
Sur le sujet demandé, il est parfaitement clair.
Je ne citerai, pour commencer, que la dernière phrase :
« On ne saurait faire grief à la municipalité de vouloir doter ce quartier déshérité d'un équipement culturel digne de ce nom. Mais, entre le maintien du statu quo (un centre social de piètre apparence) et l'implantation d'une médiathèque municipale centrale à dimension communautaire et régionale, il existe des voies intermédiaires, telles qu'un nouveau centre social développant des activités culturelles et comportant peut être une bibliothèque. »
C'est ce que nous voulons faire depuis le début, parce que, bien entendu, comme vous, et nous l'avons toujours répété ici même, nous voulons doter ce quartier d'un équipement social et culturel digne de ce nom.
Au-delà de cette dernière phrase, c'est tout le document qui est très critique, même si, et je l'ai écrit par ailleurs, c'est dans un style sobre, mesuré, respectueux de tous les points de vue, comme il convient à un rapport d'inspecteur général. Ayant dirigé pendant 3 ans celle du ministère de l'Education Nationale, je sais de quoi je parle.
Je cite quelques extraits, mais il faudrait tout citer. Cela dit, comme j'ai découvert que peu de gens l'avaient, ces quelques citations sont particulièrement utiles.
«A charge mais aussi à décharge, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que ce qu'il s'agit de mettre en place est complexe et que ses effets ne sont pas assurés : son échec pas plus que son succès. » Nous avons avec cette phrase l'illustration parfaite de cette mesure dans le style que je venais d'indiquer.
Mais la phrase suivante : « Il faut pourtant ici prendre une position. Dans l'optique qui est la nôtre, celle du succès maximal de la médiathèque, cette position sera réservée, et ce pour les raisons suivantes. »
Un peu plus loin : « Si résolu et coûteux qu'il soit, il s'agit d'un projet urbanistique limité. Un projet qui est loin de porter la transformation de ce quartier excentré et peu peuplé en un de ces pôles qui exercent une attirance bien au-delà de leurs limites, au point de générer une fréquentation plurielle, naturelle et fréquente. »
« Une fois toutes les opérations prévues conduites à leur terme, le quartier Grammont-La Sablière sera moins isolé, il aura meilleure allure. Il n'aura fondamentalement changé, nous semble-t-il » — là encore, nous retrouvons la mesure du rapporteur — « ni d'échelle ni de nature. »
Un peu plus loin, je cite : « Pour mettre en évidence que l'excentration du site Grammont-La Sablière est relative, les services de la Ville ont établi une carte d'où il ressort que la future médiathèque y serait à peine plus éloignée de la cathédrale que la préfecture, située dans le quartier Ouest (environ 1,5 km dans les 2 cas). Mais cette équidistance, mesurée à vol d'oiseau, est théorique : outre les transports en commun, la démonstration ne tient notamment pas compte du fait qu'entre la cathédrale et le quartier Grammont-La Sablière se trouve la Seine. »
«Théorique est de même la centralité [...] par rapport à la Communauté de l'Agglomération Rouennaise, puisqu'elle postule de la part des habitants de celle-ci des déplacements dont le principe et l'aisance sont pour partie hypothétiques. »
Plus loin : « Patente est en revanche la médiocre accessibilité du site par les transports en commun. »
« On ne saurait se montrer plus conscient de la situation qui, idéalement, devrait être celle d'une centrale [...], une situation qui de toute évidence ne lui est pas offerte par le quartier Grammont-La Sablière. »
« Compte tenu de la situation actuelle, les améliorations à apporter sont considérables. »
« Les solution les plus lourdes (nous pensons en particulier au tram-train mentionné dans la présentation du G.P.V. dont l'étude figure au Contrat d'Agglomération) ne pourront être effectives avant 10 à 20 ans. Le maire n'en disconvient d'ailleurs pas. »
L'un des passages de ce rapport, qui n'est absolument pas cité dans aucun document pour l'instant, concerne les 12 autres bibliothèques municipales de grandes villes. Il est expliqué que 3 sont situées dans l'hypercentre, 6 au centre et 3 en périphérie (MONTPELLIER, LA ROCHELLE et TOULOUSE).
En lisant, dans un premier temps, nous avons le sentiment que trois endroits sont relativement semblables à ROUEN, sauf qu'immédiatement après le rapporteur se rattrape et dit: «Il faut cependant remarquer dans le cas des trois villes citées que la continuité territoriale entre le site de la bibliothèque municipale et le centre y est mieux assurée qu'à ROUEN, sauf à LA ROCHELLE, mais précisément, il s'agit là d'un point faible [...] »
Je me permets d'ajouter, concernant cette ville que je connais particulièrement bien, que la bibliothèque est dans un quartier que l'on voit directement devant soi, de l'autre côté du port, depuis l'endroit le plus central de LA ROCHELLE.
Plus loin, concernant la bibliothèque de MONTPELLIER — il est vrai qu'elle n'est pas située tout à fait au centre et qu'elle n'est pas sur la place de la Comédie, mais elle est devant une station de tramway — :
« Elle est en fait aisément accessible — même à pied — depuis le centre et vice-versa, moyennant la traversée d'un centre commercial. »
La bibliothèque de TOULOUSE est située un peu plus loin du centre. Cependant, dit le rapport :
«Elle est desservie par une station de métro et se trouve à proximité de la gare S.N.C.F. »
Ce passage laisse entendre qu'il y aurait peut-être un petit espoir que votre proposition ne soit pas tout à fait unique sur l'ensemble des grandes Bibliothèques Municipales à Vocation Régionale (B.M.V.R.) françaises. Mais, finalement, les 12 B.M.V.R. existant aujourd'hui en France n'ont rien à voir avec votre projet.
Plus loin, nous trouvons la conclusion. Elle comporte une phrase tout en nuances, qui est, là aussi, extraordinaire. Je ne me priverai pas de la citer : «Pour le dire autrement et en forçant délibérément le trait, la médiathèque jouera surtout le rôle d'une bibliothèque municipale [...] d'étude et de recherche, et tentera de jouer simultanément le rôle d'une bibliothèque de quartier. Elle ne jouera pas à plein le rôle d'une bibliothèque municipale complète [...], destinée à tous les publics de la ville et au-delà. En ce sens,
paradoxalement, elle pourrait créer parmi la population l'attente d'une telle bibliothèque en centre ville. »
Si le sujet n'était pas aussi sérieux, je dirais que nous sommes dans l'humour. Compte tenu que vous proposez, pour cette médiathèque, d'apporter même pas 20 % de financement de la Ville, avant que l'on réponde à l'attente d'une deuxième bibliothèque en centre ville, il risquerait de s'écouler un certain temps.
   
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