Les Sources photographiques

D'une façon très synthétique, je vous propose de vous présenter maintenant les principales sources, les principaux fonds de documents photographiques concernant la Seconde guerre mondiale et la Reconstruction à Rouen, en commençant par les sources locales, puis poursuivre avec les sources régionales et nationales, pour finir par quelques sources internationales ... sans prétendre, bien entendu, à l'exhaustivité.

Archives départementales de la Seine-Maritime

Je commencerai par la source la plus importante, ici même à Rouen : les Archives départementales de Seine-Maritime, qui ont réalisé un travail remarquable ces dernières années de numérisation, d'aide à la recherche et de mise à disposition des différents fonds.

Sur notre période le premier fonds, en quantité et en qualité, conservé aux Archives départementales est celui de Robert Eude (côte 11 Fi), mort en 1965.
Cadre aux Anciennes Mutuelles, il a été un membre actif de plusieurs associations rouennaises dont le Photo-club et les Amis du Théâtre des Arts.
Comme photographe amateur il a réalisé plus de 5 000 photos, sur plaques de verre, concernant la Seine-Maritime entre 1935 et 1965 (avec classement alphabétique par commune) dont plusieurs centaines, voire plusieurs milliers sur Rouen.

La destruction de cet abri sur les quais, le 22 juin 1944, a fait 22 victimes civiles. (Photo ADSM, fonds Robert Eude, 11 F).

 

Le second fonds en importance, aux Archives départementales, est le fonds 10 Fi, fonds du Journal de Rouen, journal qui a eu le tort de collaborer et dont la parution a cessé en août 1944. Ce fonds représente plusieurs centaines de photographies sur notre période.

 

Enlèvement des vitraux de la cathédrale, pour les protéger, au début de la Seconde Guerre mondiale. (Photo ADSM, fonds Journal de Rouen, 10 Fi)

Il est d'autres fonds aux ADSM pouvant être consultés :
1) Des fonds issus du MRU (ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme) dans la série W (1125 W, 3650 W, 271 W...)
2) Fonds Henrard (106 Fi) : Les photos aériennes de la société créée par Roger Henrard ont été dispersées après la mort de celui-ci en 1975, principalement entre plusieurs collectivités (Départements ou communes). Vous en avez une série aux Archives départementales (106 Fi), il y en a également quelques-unes aux Archives municipales de Rouen.
3) Autres fonds comprenant des photographies de la période 1939-1945 : 19 Fi et 42 Fi...
Ces photos, comme bien d'autres, sont consultables directement sur le site internet des archives départementales. D'autres (de moins en moins) ne sont consultables que sur place. Vous pouvez pour cela consulter, sur le site des archives départementales, le répertoire des sources « La Seine Inférieure durant la Seconde Guerre mondiale ».

Vue aérienne de Rouen, en 1949 (ADSM, fonds Henrard, 106 Fi)

 

Bibliothèque Municipale de Rouen (BMR)

La bibliothèque patrimoniale Villon (Rouen nouvelles bibliothèques) est riche de plusieurs fonds photographiques. Le plus important, pour la période qui nous concerne, est le fond Burchell, photographe professionnel, de son vrai nom Charles Delacaize. Ce fonds a été acheté en 2002 par la Ville, il est riche de plus de 8 000 photographies couvrant la période 1939-1990. Le livre que j'ai eu le plaisir de publier avec les équipes de la bibliothèque Villon, en 2011, n'épuise pas toute la richesse de cet important témoignage.

 

Inauguration du carillon de la cathédrale, en 1954. (Photo Burchell, BMR)

Archives Municipales de Rouen (AMR)

A côté des dossiers Gréber, en cours de numérisation, les archives municipales conservent également des photos et notamment des plaques de verre issues en particulier du Casier archéologique réalisé durant la Seconde guerre mondiale. Ce Casier, qu'il ne faut pas confondre avec le casier archélogique de la bibliothèque municipale à Villon, a été créé par Jean-Valérie Hélot chargé par la Ville de Rouen de suivre les déblaiements suite à l'incendie de 1940. Ce travail donnera naissance, en novembre 1942, à la création de la Commission du Casier archéologique, à laquelle participera J. Gréber, G. Lanfry, P. Chirol et bien d'autres. Elle va se réunir, collecter des documents, publier un bulletin jusqu'en 1948, jusqu'à l'affaire des Augustins, où la majorité des membres de la Commission démissionnera suite à la décision du Conseil municipal de démolir l'église des Augustins.
L'ancien atelier d'urbanisme de Rouen, sous les directions de François Herr et ensuite d'Alain Gaspérini, possèdait également un fonds photographique, dont des milliers de diapositives couleurs du photographe Bernard Leménager qu'il faudra numériser à l'avenir.

La rue du Gros-Horloge sous l'occupation, photo provenant de l'ancien casier archéologique de la Ville de Rouen (Archives municipales de Rouen — AMR).

 

Le port de Rouen

Les archives photos du Grand port maritime de Rouen sont très riches, notamment de plaques de verre, sur la reconstruction du port dès 1944.

 

La Seine prise par les glaces, durant l'hiver 1940-1941 (Photo Port de Rouen).

Paris-Normandie

Un autre fonds essentiel pour la période de la Seconde Guerre mondiale à nos jours, les centaines de milliers de photographies sur négatifs souples du quotidien Paris-Normandie. C'est un véritable trésor, toujours classé chronologiquement pour la plus grande part, et à conserver absolument. J'ai passé 15 jours, à la fin des années 1970, pour voir tous les négatifs !
Les premières photos dates des années 1950 après le départ de Bernard Lefebvre qui était le chef du service photographique. Mais quelques photos plus anciennes sont également conservées dans ce fonds malheureusement difficile d'accès.

Vue aérienne des débuts de la reconstruction de Rouen, en mai 1950 (Photo Jean Vavasseur, archives Paris-Normandie)

 

Archives de photographes

Je n'en présenterai que quatre (sur des dizaines d'autres)

Bernard Lefebvre, dit Ellebé

Bernard Lefebvre, dit Ellebé. Il est le chef de file des photographes de la période de la Seconde Guerre mondiale et de la Reconstruction, comme membre du groupe des 7, président du Photo club rouennais, photographe de la France libre, photographe professionnel place Beauvoisine et chef du service photographique de Paris Normandie de 1946 à 1949.

Ses fonds, très riches, sont dispersés, entre les Archives départementales (avec des négatifs en mauvais état), la Bibliothèque municipale de Rouen, le musée Niepce de Chalon-sur-Saône, plusieurs collections privées et chez son fils.

Vestiges des Augustins, près de la rue Alsace-Lorraine, en 1945 (Photo Bernard Lefebvre)

 

Achille Plaisant

Achille Plaisant. Il a été photographe professionnel à Oissel et a suivi, pour le compte du ministère de la reconstruction de de l'urbanisme, toutes les étapes de la reconstruction à Rouen, en particulier les quais.

Ses milliers de photos, toutes datées précisément, sont aujourd'hui très dispersées.

 

La plage d'Orival, en 1953, photographiée par Achille Plaisant (Photo coil. G. Pessiot)

Jean Roubier

Jean Roubier, auteur notamment de la brochure sur Rouen, « L'art français dans la guerre ». Là aussi les archives de ce photographe sont éparpillées. J'ai rencontré, il y a quelques mois, son petit-fils, Michel Rager, qui a reconstitué son fonds, riche, pour ce qui concerne Rouen d'environ 200 photographies.

Raymond Jacques

Raymond Jacques. C'est un photographe dont je n'ai pas réussi à retrouver la trace. De son vrai nom Jacques Anquetil, il a eu une vie assez compliquée. Il a participé au journal collaborationniste rouennais, Le Petit Normand, a fait nombre de photos sur les destructions de la Seconde Guerre mondiale, certaines imprimées, puis s'est éloigné de Rouen à la Libération. Je sais seulement qu'il s'est établi à Troyes, comme pâtissier et comme cinéaste en 1964. Et qu'il a été assassiné.

Collectionneurs privés

Après les photographes il ne faut pas oublier les collectionneurs privés. Je ne peux tous les citer. J'ai perdu depuis 40 ans, la trace de M. Goubert qui avait réuni des centaines de photographie de la période, j'en ai publié quelques dizaines. Je vous recommande également les collections privées de Pierre Nouaud, Jacques Tanguy, Nicolas Niger, Paul Le Trevier et Didier Lodieu pour ne citer que quelques noms.

J'y ajoute la mienne. Je possède autour de 300 photos originales de cette période. En particulier quelques dizaines de photographies que m'a données M. Prodhomme, un des dirigeants de la société Morillon Corvol, sur la reconstruction des quais. Des photos signées Bernard Hauville, toutes datées avec précision.

La reconstruction des quais de Rouen, rive gauche en 1952 (Photo Bernard Hauville, coll. Guy Pessiot, don de M. Cordhomme, entreprise Morillon-Corvol)

 

Autres sources normandes

La base de photos (et surtout de films) Mémoire normande, liée à Normandie images, fusion du Pôle image ex haut-normand et la Maison de l'image ex basse Normande. Normandie images est plus tourné vers le cinéma (3800 films), vers l'audiovisuel et le multimédia plutôt que vers la photo pure. Mais l'on y trouve quelques fonds photographiques intéressants.
Je n'oublierai pas non plus la base photos du Mémorial de Caen, ni l'Inventaire général géré maintenant par la Région Normandie.

 

Photo du fonds Yves Bénain sur le site « Mémoire Normande »  (Normandie Images / La Fabrique de Patrimoines en Normandie)

 

Sources nationales

Elles sont également nombreuses. Et elles le sont d'autant plus qu'avec la numérisation et l'extrême facilité de copie des documents l'on retrouve la même photographie dans différents sites et qu'il existe même des agrégateurs de bases photographiques, qui attrape tout, à l'image de la base Mémoire du Ministère de la Culture.

Base "Mémoire"

Si vous allez dans le moteur « Collections » du ministère de la culture et que vous ouvrez la base Mémoire (qui figure à côté des bases bien connues : Joconde, Mérimée, Médiathek, Inventaire...), vous pourrez consulter cette base riche d'un peu plus 5 700 documents concernant Rouen (il n'y a pas que des photographies !). Vous y retrouverez les photos, dispersées ailleurs dans différents fonds, de Marville, Bisson, Camille Enlard, Atjet, Neurdein, Graindorge, Charles Hurault, Emmanuel Louis, Noël Le Boyer, Henri Salesse, André Kertez, pour ne citer que quelques photographes actifs également ailleurs qu'à Rouen.

Archives nationales

Il est bien plus facile aujourd'hui qu'il y a 40 ans de rechercher dans les fonds photographiques des ministères et administrations centrales conservées aux Archives nationales, à Pierreffite/Saint-Denis pour la période qui nous concerne.
D'une part, parce que les archives des ministères sont de plus en plus regroupées aux Archives nationales et d'autre part parce que la numérisation est en marche même s'il reste encore beaucoup à faire. De plus, à l'image des archives départementales, les archives nationales ont multiplié des outils de recherche performants telle la fiche n° 30 « Sources photographiques : les fonds du XXe
siècle » consultable sur leur site.

Photos d'Henri Salesse, Rouen, 1951 (Base « Reconstruire la France », Archives nationales, Pierrefitte)

 

Sont conservés aussi, à Pierrefitte, des centaines de dossiers concernant la Reconstruction en France. J'en ai ouvert quelques-uns concernant Rouen, ils sont bien plus riches de documents et de plans que de photographies. En une après-midi de recherches je n'ai retrouvé qu'un seul dossier comprenant des photographies. Un reportage, signé Burchell, concernant le percement de la rue du Général Giraud, vers 1958.

 

Percement de la rue du Général Giraud, vers les rues Racine et Fontenelle, vers 1958 (Photos Burchell, Archives nationales, cote 1982 0159/116)

Archives du MRU

Pour les années 1940-1960, les fonds les plus importants conservés aux Archives nationales sont ceux de l'ancien Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme. Un Ministère qui a changé plusieurs fois de noms et de périmètres ce qui fait que ses archives ont été divisées, dispersées. Les archives photographiques de ce Ministère ont été regroupées, mais seulement en partie, aux Archives nationales en 1979 car on a commis la faute de séparer les négatifs des tirages positifs. Les positifs sont à Pierrefitte, les négatifs sont restés à la photothèque du ministère dont la dernière dénomination (elle change presque à chaque Gouvernement) est Ministère de la Transition écologique et solidaire. Cet ancien fond du MRU (que l'on retrouve aussi dans les archives départementales des villes sinistrées), rassemble environ 40 000 photographies, à partir de 1945, classées par département et par commune. Photographies réalisées par cinq opérateurs photographes principaux, dont Henri Salesse, que Didier Mouchet, trop tôt décédé, à contribuer à faire connaître dans notre région avec plusieurs ouvrages. Les photos originales de la série F14 des Archives nationales ne sont toujours pas communicables, mais une grande partie d'entre-elles sont consultables à Pierrefitte sur la base « Reconstruire la France » https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr, ainsi que sur la photothèque site Terra du ministère de la Transition écologique et solidaire, toujours propriétaire des négatifs des archives photographiques du MRU.
 

Enquête sur l'habitat insalubre à Rouen, séries de photos MRU prisent vers 1947-48
(Photothèque Terra du ministère de la Transition écologique et solidaire et ministère de la Cohésion des territoires)

IGN Saint-Mandé

L'IGN a été créée en 1940 à la suite du Service géographique des Armées.
Les trésors de l'IGN (photographies aériennes et cartes) sont de plus en plus accessibles sur leur site internet. Je pense notamment à leur portail « Remonter le temps », présentant des dizaines de vues à la verticale de Rouen, de 1930 à nos jours.
Mais il n'y a pas que cela. Il y a également des vues aériennes obliques, qui sont plus intéressantes, à mon avis, pour reconnaître les maisons et les monuments.
Mais pour les consulter il faut vous déplacer à Saint-Mandé pour consulter leur géoportail.
Plusieurs reportages en photos aériennes obliques concernent Rouen, en 1920, en 1928, en 1930, en 1947, en 1949, en 1953, 1956 et 1957, pour nous limiter aux photos d'avant -guerre et de la reconstruction. Vous avez-là plusieurs centaines de photos qui couvrent toute la ville ou un quartier précis.
Un grand nombre de ces photographies ont été réalisées par la CAF (Compagnie Aérienne Française). Antoine de Saint-Exupéry a travaillé pour la CAF et il est mort, en Provence, en juillet 1944, lors d'une mission de photographie aérienne pour la cartographie.

Vue aérienne oblique pendant le creusement des bassins Saint-Gervais en 1928 (Photo IGN, 1928 CAF- 85-0036)

 

Bibliothèque nationale de France

La Bibliothèque nationale de France, étape incontournable pour n'importe quelle recherche et notamment, pour ce qui nous concerne son Département des Estampes et de la Photographie, rue Vivienne.
Les documents concernant la Seconde Guerre mondiale s'y trouvent assez dispersés, mais ne sont pas très nombreux, sauf oubli de ma part.
On en trouve quelques-uns dans la Banque d'images de la BNF. Cette base contient 1 838 documents sur Rouen, mais ce sont surtout des documents anciens : enluminures, vitraux ... au total assez peu de photos, en particulier pour la période qui nous concerne.

Agence Roger Viollet (Paris)

Cette importante agence privée, gère les droits d'un millier de photos concernant Rouen, dont quelques dizaines sur notre période. En particulier la fameuse série de François Kollar « La France travaille » (autour du chemin de fer), quelques photos du grand photographe Alfred Eisenstaedt, des photos également de Jean Rougier, Jacques Boyer ou Maurice-Louis Branger.

 

Photographie de la série de François Kollar « La France travaille » (Agence Roger Viollet)

Quelques autres fonds

 
- L'Armée (ECPA), au fort d'Ivry. C'est un fonds très riche sur les deux guerres mondiales, avec plus d'un million de photographies et des centaines de films des armées françaises, alliés et également des armées  allemandes. Il faut se rendre au fort d'Ivry pour consulter les fonds désormais largement numérisés. J'avoue ne pas l'avoir fait récemment.
- La Contemporaine de Nanterre, nouveau nom de la BDIC (bibliothèque de documentation internationale contemporaine),
- L'institut d'urbanisme de Paris (IUP) et notamment les fonds de la bibliothèque Poète et Sellier, sur les architectes de la reconstruction  notamment.
- Et enfin le Centre d'archives d'architecture du XXe siècle, lié à l'IFA (Institut français d'architecture) et à la Cité de l'architecture et du Patrimoine, à Chaillot. Ce Centre d'archives d'architecture, situé dans le 13e, est fermé pour travaux et doit rouvrir en 2020. Il est riche de plus de 20 000 photographies et plans et comprend quelques fonds d'architectes et constructeurs. Vous pouvez entre-apercevoir une partie des richesses de ce centre sur le site archiwebture.
 

 

Sources étrangères

Allemagne

Les Bundesarchiv de Coblence, que j'ai visité en détail, il y a maintenant 40 ans. Plusieurs livres, parus depuis sur Rouen et la Normandie, exploitent ce riche fonds. Les Allemands, eux, avaient le droit de photographier durant la guerre ! Il existe également des banques d'images privées allemandes à consulter en lignes (l'équivalent allemand du site Delcampe outre-Rhin).

Angleterre

L'Imperial War Museum (London), mais les archives de ce musée sont plus complètes sur la Premier Guerre mondiale que sur la Seconde. Il en est d'autres comme les archives de la Royale Air Force de l'université de Keele.

Arrivée des armées britanniques à Rouen, le 2 septembre 1944
(Photo prise par le sergent Wilke, provenant des archives de l'Imperial War Museum de Londres)

 

Canada

Department of National Defense avec même des photos en couleurs de Rouen, en 1944. Je citerai également le CCA (Centre canadien d'architecture) pour ses archives concernant Jacques Gréber.

 

Photos des archives canadiennes, 1944 (Photo Department of National Defense, Library et Archives Canada)

Etats-Unis

Archives nationales de Washington, de l'US Air Force, et même le fonds Getty images de Los Angeles.

Objectif Rouen pour les Flying Fortress (B 17) américaines (Photo US Air Force)

 

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