Saint-Pierre du Châtel

A l’origine simple chapelle dédiée au Prince des Apôtres, le sanctuaire pourrait dater du Xe siècle ou du tout début du XIe. Vers cette époque, Rollon, celui qui devint le premier duc de Normandie, se convertit au christianisme. Il choisit alors Robert comme nom de baptême et s’installa dans le simple château bâti au bord de la Seine et qu’occupaient autrefois les comtes carolingiens de Rouen. Cette forteresse était située à proximité un modeste édifice religieux qui fut entièrement rebâti au XVe siècle. A cette époque, le Donjon (premier château ducal), qui appartint après le duc au Chambellan de Tancarville et à la famille du Donjon (qui en tirait son nom), n’existait plus depuis longtemps, mais son souvenir subsistait dans l’appellation de l’église. Ce furent les religieux Cordeliers qui occupèrent finalement le site et y fondèrent leur couvent, au XIIIe siècle.
Guillaume Le Chandelier, un généreux donateur, finança les nouveaux travaux d’édification au XVe siècle. Ses armes furent sculptées aux meneaux des fenêtres de l’unique bas-côté sud. L’église ne fut achevée qu’au XVIe siècle.

Le clocher dut être en partie refait en 1580.
Le monument accusait une forme plutôt irrégulière. Il n’avait qu’un bas-côté, vers le sud. Le vaisseau principal n’était pas voûté de pierre et comportait une charpente qui était considérée comme l’une des plus intéressantes de la ville.
L’édifice se terminait à l’est par une abside à trois pans. Le mur occidental était percé d’une rose appelée dans les comptes l’O ou la Couronne. Le portail principal s’ouvrait à la base de la tour, ce qui est exceptionnel. Le dessin de Jacques Le Lieur montre que le reste de la façade était oblitéré par des maisons. Le portail, de 1529, comportait des bas-reliefs finement sculptés relatant La Vie de saint Pierre, œuvre de Nicolas Quesnel qui avait travaille en 1511 au portail central de la cathédrale. L’accès ouvrait sur la rue des Cordeliers. Deux autres portes donnaient accès à l’église. L’un ouvrait au nord, précédé d’un porche, l’autre dans le flanc sud, donnant accès au cimetière et au presbytère.
L’intérieur de l’édifice se répartissait en deux chapelles, l’une consacrée à la Vierge et l’autre, plus tardive, à saint Jacques.
Architecturalement édifiée hors d’œuvre, la tour gothique, carrée et analogue à celle de St-Cande-le-Vieux, se détachait du corps de l’édifice. Elle avait été conçue de façon monumentale et a encore de l’allure. Huit statues colossales du XVe siècle en ornaient les angles, groupées par deux. Cinq ont survécu : Moïse et David, saint Pierre et saint Paul, un prophète. Elle avait été construite en 1543 par Nicolas Berneval. La flèche qui devait la surmonter n’avait jamais été édifiée.
L’église fut pillée par les Huguenots en 1562.
Dès avant la révolution, la paroisse s’appauvrissait et ne pouvait déjà plus faire face aux dépenses d’entretien qui s’imposaient.
Le 24 décembre 1791, l’église, le presbytère ainsi que plusieurs bâtiments à usage d’échoppes furent vendus par adjudication à Jean-Baptiste-Richard Payeneville. Acheté 73.600 livres, elle devint le siège d’une compagnie de messageries, puis dépôt de fonderie pour la maison de Déville des Lecouteulx. En 1898, elle servit de magasin et d’écurie aux Nouvelles Galeries qui s’installaient à Rouen.
Le mobilier avait été dispersé.
En 1920, malgré la mobilisation des Amis des Monuments Rouennais, la tour fut totalement privée de ses ornements, les statues sciées et descendues et vendues. Elles furent localisées chez un antiquaire à Beauvais, par le duc de Trévisse, président de l’association sauvegarde de l’Art français. Rachetées, elles sont maintenant dans le cloître du Musée des Antiquités.
L’ensemble du quartier fut touché par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Le 30 mai 1944, St-Pierre-du-Châtel fut gravement atteinte et les ruines demeurent pratiquement en l’état. La charpente à entraits sculptés, prestement démontée après le sinistre, a été entreposée par la ville de Rouen dans ses locaux, bien à l’abri. Mais, elle n’attend plus depuis longtemps une éventuelle repose. Cette dernière semble devenue impossible...

Quant à la rue des Cordeliers, quasi-détruite, elle fut radicalement “rayée de la voirie municipale” à l’issue du dernier conflit mondial. C’est seulement devant la façade occidentale de l’église et de ses vestiges que l’on croit deviner une partie de son tracé... Dès 1946, cessait d’exister cette rue très populaire traversant le cœur même du quartier des maisons de tolérance de Rouen.
Suprême injure, en 1951, l’administration des Ponts et Chaussées, en creusant une tranchée, provoquait un fléchissement de l’abside, sur la rue Camille St-Saëns. On trouva plus expédient de démonter les murs. Malgré la reconnaissance de leur responsabilité, les ponts et Chaussées n’ont toujours pas procédé à la reconstruction…

 
Clergé
En 1770, le clergé se composait de 7 personnes :
6 prêtres
1 acolytes
 
Mobilier
Il a été dispersé à la Révolution.
Une contretable, remarquable pièce de mobilier, émigra vers l’église de St-Arnoult (Seine-Maritime, près de Caudebec-en-Caux).
Le couvercle des fonds baptismaux était aussi intéressant. Il n'est plus localisable.
 
   
 
Tableaux
Les tableau d'Adrien Sacquespée Apparition du Christ à Saint-Pierre, de 1667, et Le Père Eternel sont conservés au Musée des Beaux Arts.

Apparition du Christ à Saint-Pierre Le Père Eternel
 
Vitraux

Les vitraux des XVe et XVIe siècles représentaient principalement La Vie du Christ et La Vie de saint Pierre, d’autres La Vie de saint Eustache. Cette vie était certainement issue de l’œuvre éponyme d’illustre renommée que lui avait consacré un écrivain normand inconnu du Moyen-Age et dont Chrétien de Troyes s’inspira grandement au XIIe siècle pour écrire son Guillaume d’Angleterre.
Certaines verrières du premier quart du XVIe siècle étaient dues à Jean Tuchon.
On connait trois panneaux de vitraux qui sont supposés provenir de l'église. Ils sont conservés au Victoria & Albert Museum de Londres.
D’autres parties de vitraux, issus d’une verrière de La Vie de saint Eustache sont exposés au Musée des Antiquités de Rouen (Galerie Cochet, 2eme fenêtre, baie C). Ils sont attribués à Arnoult de Nimègue.

Trois panneaux de la Vie de Saint-Pierre (Londres, Victoria & Albert Museum)

 
Confréries

Confrérie des Pèlerins de saint Pierre de Rome.
Confrérie des Agonisants.

Localisation


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Bibliographie
Histoire de la ville de Rouen, F. Farin, 3e ed., 1738, t. IV, p.191-196.
Abrégé de l'histoire ... de la ville de Rouen, Lecoq de Villeray, 1759, p. 306-307.
Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, J. J. Expilly, Tome VI, 1770, p. 429.
Tableau de Rouen,
Machuel, 1777, p. 138-140.
Description historique des maisons de Rouen,
E. de la Quérière, 1821, p.163. T. II, 1841, p. 200.
Notes historiques sur le Musée de peinture de la ville de Rouen, Charles de Beaurepaire, B.C.D.A., 1852-1853, p. 437.
Coup
d'œil  rétrospectif sur 24 églises paroissiales supprimées à la Révolution, E. de la Querrière, Bull Ste d'Emulation, 1864, p.252
Répertoire archéologique du départ. de la S.-Inf., Abbé Cochet, 1871, col, 392.
Eglises supprimées de Rouen
, Albert Sarrazin, 1874, p. 1-8.
Protestation contre l'éventuelels destruction de l'église St-Pierre du Châtel, Ch. Fortin, Bull. AMR, 1913, p.5.
Visite des AME à l'ancienne église St-Pierre du Châtel,
P. Chirol, Bull. AMR, 1914-20, p.3.
Protestation de l'Académie contre la mutilation de l'ancienne église St-Pierre du Châtel
, Précis Acad, 1921, p. 289.
Danger menaçant l'église St-Pierre du Châtel, G. R. de Beaurepaire, Bull. CDA, 1915-1919, 420-421.
Les statues colossales de Saint-Pierre du Châtel à Rouen,
Duc de Trévisse, l'Illustration, 9/9/1924,  p.207.
Statues de l'ancienne église St-Pierre du Châtel retrouvées à Beauvais
, M. Alline, Bull. AMR, 1925, p.15.
L'église Saint-Pierre du Châtel, G. Dubosc, Par ci, Par là, 1932, p.73-84.
L'église St-Pierre du Châtel (histoire et description),
D. Lavllée, Bull. AMR, 1946-50, p. 63-75 et 1951-58, p.13.
Bull de la Com. d'Esthétique et d'Archéo. Urbaine, Tome 5, 1950-1952, p.26.
Restauration de l'ancienne église St-Pierre du Châtel,
R. Flavigny, Bull. AMR, 1951-58, p. 15, 16.
T
ableaux français du XVIIe s. et italiens des XVIIe et XVIIIe s. P. Rosenberg, 1966, p. 115.
L'église St-Pierre du Châtel, description historique, D. Lavallée, Bull. AMR, 1986, p. 489-501.
Etat désastreux de l'église Saint-Pierre du Châtel, Bull. CDA, 1992, 31-32.
L'église St-Pierre du Châtel pourra-t-elle survivre ?
, N. Benoist, Bull. AMR, 1994, p.63-67.
Les vitraux de Haute-Normandie,
M. Callias-Bey, 2001, p. 385, 443.
Rouen, du passé toujours présent... au passé perdu, Y. Pailhés, 2004, p. 126-127.
Rouen aux 100 clochers, F. Lemoine,
J. Tanguy, 2004, P. 83-85.
Rouen à la Renaissance, L.-R; Delsalle, 2007, p.160-163.

© Copyright Jacques Tanguy, février 2013