Livre des Fontaines

Ce sanctuaire semble avoir une grande ancienneté. Certains le font remonter aux premiers chrétiens sur le seul fait qu’il a été implanté dans une nécropole de l’antiquité tardive ou mérovingienne. Bien peu de choses sont attestées, et il semble aventureux de voir dans la crypte le premier martyrium de la communauté chrétienne de Rouen.
Une église fut certainement édifiée à cet endroit au haut moyen âge. Charlemagne célébra Pâques à Rouen en 769 et y passa en 800 (Rouen étant encore citée en 799 comme un grand emporium). Son fils, Louis Ier le Pieux, honora à son tour la ville de sa présence en 818. Il y séjourna en novembre 824 et reçut alors les envoyés de l’empereur byzantin Michel II le Bègue et le Patriarche de Grado (Venise). Il se pourrait que la construction de la crypte de St-Gervais pût se placer à cette époque. Malgré la découverte à proximité de sarcophages carolingiens et d’époques antérieures, seuls des fragments sculptés réemployés dans les murs de la crypte pourraient provenir d’un pilier de “chancel” carolingien appartenant à la construction initiale.

La tradition veut que les deux premiers évêques de Rouen, saint Mellon et saint Avitien aient été enterrés dans la crypte. Les deux cénotaphes qui s’inscrivent dans les deux enfeus leur sont attribués.Autour de l’église, s’était progressivement créée une modeste paroisse. Il s’y constitua aussi un monastère. Avant le premier quart du XI^e siècle, le site était déjà qualifié d’abbaye (abbatia). St-Gervais fut détenu, entre 1023 et 1025, par l’abbaye de St-Père de Chartres. A la tête d’un monastère rayonnant largement, l’abbé de St-Père voulait implanter alors des dépendances à l’est et au sud-est de la Normandie, à proximité de la partie orientale du duché normand. Mais subitement, en 1025, Richard II le Bon, duc de Normandie, donna le site entier aux Bénédictins de l’abbaye de Fécamp. L’ensemble du domaine de St-Gervais et son église furent regroupés autour d’un prieuré. Les religieux de St-Père de Chartres avaient malencontreusement perdu leur concession rouennaise car ils s’étaient permis de revendre la dîme du poisson destiné à la table ducale que Richard II le Bon leur avait pourtant généreusement accordée.
La paroisse releva alors de l’abbé de Fécamp car étroitement associée au prieuré. Le duc-roi Guillaume le Conquérant mourut ici, le 9 septembre 1087, dans ce prieuré de St-Gervais qu’il avait aménagé également en résidence ducale. La paroisse formait “l’exemption de Fécamp”.
St-Gervais se transforma au XIV^e siècle en une véritable église paroissiale qui desservit un vaste territoire extra muros. Elle ne vit la destruction de l’ancien prieuré mitoyen qu’au XV^e siècle.
L’église, démolie en1418 avant le siège mené par les Anglais pour qu’ils n’y puissent trouver refuge, fut rebâtie en 1434.
Les Huguenots dévastèrent l’église en 1562. Ensuite, en 1591, le siège de la ville par Henri IV causa de graves destructions à l’édifice.
Le faubourg Cauchoise était celui des artisans-tisserands, plutôt démunis. Ils ne purent que difficilement faire face aux dépenses continuelles de la reconstruction de leur église. La paroisse était pauvre, un dicton rouennais affirmait autrefois : “désargenté comme le crucifix de St-Gervais”.
L’édifice connut, au début du XVII^e siècle, des désastres répétés dus à des vents violents. Son clocher finit d’ailleurs par être détruit. Une tempête en 1673, puis l’ouragan du 25 juin 1683 continuèrent de mettre encore en péril un clocher sans cesse réparé ainsi que l’essentiel de l’église. Ce dernier se maintint toutefois en un état précaire jusqu’au XIX^e siècle.
La construction d’une église Ste-Madeleine dans le Lieu de Santé fut à l’origine d’un conflit d’attribution. L’Hôtel-Dieu était situé sur le territoire de la paroisse de St-Gervais. Le curé de cette église prétendait exercer son autorité sur lui. En fait l’église Ste-Madeleine lui échappait quasiment, se comportant comme une « quasi-paroisse » bien avant 1790.